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11/07/2024 | Rédacteur: Épilogue

Succession de contrats : Peut-on stipuler une période d’essai ?

La période d’essai telle que définie à l’article L.1221-20 du Code du travail poursuit une double finalité : permettre « à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience » mais aussi donner la possibilité « au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».

Du fait même de sa « raison d’être », la période d’essai commence le premier jour d’engagement, quel que soit le type de contrat et sa durée est strictement encadrée par les dispositions légales et conventionnelles.

Des hésitations peuvent surgir lorsque le contrat de travail a été précédé de CDD sur le même emploi.

Dans cette hypothèse, l’employeur est-il légitime à soumettre le salarié à une période d’essai ?

Une question à laquelle répond la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 juin 2024.

En l’espèce, une infirmière avait bénéficié, au premier semestre 2017, de trois contrats à durée déterminée de remplacement (en mai, juin et août), avant d’être engagée sous contrat à durée indéterminée le 4 septembre 2017.

Le 15 septembre 2017, l’employeur avait mis fin à la période d’essai de 2 mois stipulée dans le contrat de travail.

La salariée avait alors saisi le Conseil de prud’hommes pour demander linopposabilité de la période d’essai et la requalification subséquente de la rupture de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au visa de l’article L.1243-11 du Code du travail qui prévoit expressément que « la durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail », la salariée soutenait logiquement que la durée cumulée de ses CDD (soit 2 mois ½ environ) devait être déduite de la période d’essai stipulée dans son CDI (2 mois), laquelle était donc réduite à néant…

Une position non partagée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence pour qui la règle posée par l’article L 1243-11 du Code du travail ne pouvait être utilement invoquée que « pour autant qu’il s’agisse d’une chaîne de contrats qui se succèdent sans interruption, au moins significative, et que le nouvel emploi exige du salarié des qualités et des compétences identiques à celles requises par les fonctions précédemment occupées sous contrat à durée déterminée ».

Considérant que seule la durée du troisième CDD du 1er au 30 août 2017 devait être déduite de la période d’essai, la Cour d’appel avait donc considéré que l’employeur avait pu stipuler une période d’essai d’un mois et avait donc déboutée la salariée dont le contrat avait été rompu dans les 15 jours de son embauche.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt, rappelant que « lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit par un contrat à durée indéterminée à la suite d’un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, la durée du ou de ces contrats est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le contrat de travail à durée indéterminée ».

En rappelant que la durée des CDD, même espacés de courtes interruptions, doit être intégralement déduite de la période d’essai prévue dans le contrat à durée indéterminée, la chambre sociale réaffirme ici une position jurisprudentielle constante (voir notamment Cass. soc. 9 octobre 2013 no 12-12.113).

Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.783