« Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».
Qu’est-ce qui a poussé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation à faire évoluer la définition de la faute inexcusable, dans deux décisions du 8 octobre 2020 ?
Retour sur les faits.
Dans la première affaire, un salarié chauffeur de bus demandait la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à la suite d’un accident de travail causé par une agression physique.
Alors que le salarié justifiait de l’existence de trois agressions sur les derniers vingt-quatre mois avant la survenance de l’accident en question, dont un qu’il avait déclaré sur le registre des incidents de l’entreprise, et qu’un procès-verbal du CHSCT informait l’employeur du danger et sollicitait l’installation de caméras embarquées dans les bus, la Cour d’appel a rejeté sa demande en considérant que l’existence d’un danger antérieur n’était pas établi, et – a fortiori – que l’employeur ne pouvait donc en avoir connaissance.
Dans la seconde affaire, il était question d’un ancien salarié minier atteint de silicose (maladie pulmonaire provoquée par l’inhalation de particules de poussières), maladie professionnelle reconnue, qui agissait également sur le terrain de la faute inexcusable, en produisant des attestations d’anciens collègues faisant état d’un environnement de travail très poussiéreux.
Là encore, la Cour d’appel a rejeté sa demande aux motifs que la faute inexcusable ne pouvait être valablement appréciée, les attestations ne précisant pas les moyens de protections existants, notamment la fourniture de masques, ni sur leur efficacité.
Dans les deux espèces, la Cour de cassation sanctionne la position prise par les juridictions de second degré, considérant que les employeurs avaient eu connaissance de l’existence de dangers pour leurs salariés. Elle précise d’autre part que, dès lors que les mesures nécessaires n’avaient pas été prises pour préserver leur santé et assurer leur protection en conséquence desquelles surviennent un accident du travail ou une maladie professionnelle, la faute inexcusable est caractérisée.
Ces deux décisions n’opèrent pas de revirement de jurisprudence mais donnent l’occasion à la deuxième chambre civile de redéfinir la faute inexcusable en se référant désormais à une obligation légale de sécurité et de protection, alors que depuis plusieurs années elle rappelait que l’employeur était tenu contractuellement de cette obligation envers le salarié.
Cette modification de terminologie n’est pas une révolution jurisprudentielle et il n’est pas certain qu’elle ait un impact significatif en pratique. Il s’agit avant tout d’un alignement avec les solutions retenues par la chambre sociale, qui depuis 2006 a abandonné le fondement contractuel de l’obligation de sécurité, en faveur d’une obligation légale.
L’avenir dira si cette nouvelle définition sera plus contraignante pour les employeurs et plus efficace en termes de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Référence des arrêts : Cass. civ 2ème 08/10/2020 n°18-25.021 et 18-26.677