L’affaire concernait un salarié engagé en 2013 en qualité de responsable régional des ventes, avec une rémunération comprenant une partie fixe et une partie variable.
Trois ans plus tard, le salarié prenait acte de la rupture de son contrat de travail et saisissait la juridiction prud’homale de diverses demandes, dont l’une relative au paiement de sa rémunération variable sur les trois années écoulées.
Le salarié contestait le caractère réalisable des objectifs dont dépendait sa rémunération variable et la Cour d’appel reprochant à l’employeur de ne fournir aucun élément de nature à déterminer si les objectifs de l’année 2013 étaient réalisables puis de n’avoir pas fixé ceux pour les années 2014 et 2015, a estimé que ce dernier avait manqué de manière suffisamment grave à ses obligations, en ne versant pas la rémunération variable due au salarié. La poursuite du contrat de travail étant impossible, la rupture aux torts de l’employeur était justifiée et le versement de la part de rémunération variable devait lui être imposée.
Décision confirmée par la Cour de cassation devant laquelle l’employeur soutenait la thèse selon laquelle :
- Premièrement, la charge de la preuve concernant le caractère irréaliste des objectifs fixés d’un commun accord avec l’employeur, pèse sur le salarié.
- Deuxièmement, la juridiction de second degré aurait dénaturé, par son interprétation, la clause du contrat de travail régissant la part variable de sa rémunération. En effet, une annexe au contrat de travail définissait les modalités de la part variable ainsi que les objectifs à atteindre pour l’année 2013 et les juges du fonds, constatant qu’à aucun moment il n’était précisé que ces objectifs devaient être annuellement fixés tant dans leur quantum ou dans leur nature, ces derniers n’étaient pas discutés de manière annuelle, les rendant de facto renouvelables les années suivantes, faute d’un autre accord entre les parties.
Au visa de l’article 1353 du Code civil, lequel dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » et que « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation », la Haute juridiction a d’abord retenu que la Cour d’appel « qui a constaté que l’employeur ne produisait aucun élément de nature à établir que les objectifs qu’il avait fixés au salarié pour l’année 2013 étaient réalisables, a, sans inverser la charge de la preuve, décidé à bon droit que la rémunération variable au titre de cet exercice était due ».
Quant aux termes du contrat de travail relatifs à la rémunération variable, la chambre sociale a validé l’interprétation réalisée par la juridiction de second degré, laquelle était rendue nécessaire compte tenu de l’ambiguïté de la formulation.
Cette décision apporte une précision importante sur la charge de la preuve. Pour la Cour de cassation, en matière de rémunération variable, la charge de la preuve concernant le caractère réalisable des objectifs fixés au salarié incombe à l’employeur, et non pas au salarié. Ainsi, l’employeur doit pouvoir non seulement prouver qu’il a communiqué les objectifs au salarié au début de la période concernée, mais aussi répondre de leur caractère réalisable. À défaut, et sous réserve de l’interprétation par le juge des clauses du contrat de travail, la prise d’acte du salarié pour non-versement de sa rémunération variable faute d’objectif réalisable, pourra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, obligeant l’employeur au versement des demandes indemnitaires afférentes.
Référence de l’arrêt : Cass. soc 15 décembre 2021 n°19-20.978